Image avec le mot 'innovation'

L’engagement avec l’Asie peut-il changer l’histoire de la création d’entreprises au Canada?

Date de publication: 27 juin, 2017
Auteurs: Vilupti Christina Lok Barrineau, Amar Nijhawan

Auteures : Amar Nijhawan, Vilupti Christina Lok Barrineau

Que vous regardiez l’Amérique du Nord, l’Asie ou n’importe quel autre pays, les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) sont les moteurs inébranlables de l’économie. Les jeunes entreprises, cependant, portent cette croissance à un tout autre niveau. Bien qu’elles aient tendance à démarrer modestement comme les MPME, leurs processus et leurs réseaux de développement et de soutien diffèrent considérablement. Associée à l’innovation technologique, aux lieux de travail originaux et jeunes et aux résultats à fort impact, la prolifération mondiale des jeunes entreprises peut être un phénomène culturel en plus d’un nouveau moteur économique.

Ces entreprises de résolution de problèmes n’émergent pas simplement dans le vide; elles ont besoin de tout un écosystème pour se développer. La scène des jeunes entreprises du Canada recevant un soutien accru, les innovations développées dans les écosystèmes asiatiques pourraient incontestablement changer la donne. L’idée de « pivoter », associée au mouvement Lean Startup, fait référence à une entreprise qui apporte des changements fondamentaux à sa structure, à sa direction et à son public lorsque son plan d’affaires original ne parvient pas à décoller. Les jeunes entreprises canadiennes peuvent croître en se tournant vers l’Asie, et les stratégies visant à stimuler l’innovation dans l’écosystème canadien devraient tirer parti de cette occasion. Non seulement l’Asie propose un nouveau marché et une nouvelle base de consommateurs, mais un réseau de soutien entrepreneurial croissant dans ces pays offre l’infrastructure permettant aux entreprises canadiennes d’être accueillies par les nouvelles petites entreprises inventives de la région, d’apprendre à leur contact et de collaborer avec elles.

 

Les défis à relever dans un écosystème canadien

Le Global Startup Ecosystem Report 2017, qui classe les villes mondiales en fonction de leur capacité à créer et à maintenir des écosystèmes de jeunes entreprises, a classé le Canada au 15e rang des meilleurs endroits au monde pour démarrer une entreprise. Le Canada abrite quelques « licornes » bien connues (entreprises évaluées à 1 milliard USD et plus) comme Shopify, Slack et Hootsuite. Malgré ces succès très médiatisés, le Canada ne se porte pas aussi bien qu’il le pourrait. Les investissements en capital de risque au Canada ont culminé en 2000 à près de 3 milliards CAD, mais en 2013, seulement 1,9 milliard CAD a été investi dans le pays, selon la Rotman School of Management. En comparaison, 35 milliards USD ont été investis aux États-Unis la même année. Tandis que le Canada se classe au cinquième rang mondial (derrière les États-Unis, la Chine, l’Inde et le Royaume-Uni) au chapitre des investissements mondiaux en capital de risque et que de nombreuses entreprises canadiennes réussissent au cours de leurs 5 premières années, seulement 3 % des entreprises qui survivent au-delà de ce point se classent comme entreprises à forte croissance. Outre les problèmes de financement, quels sont les éléments qui expliquent ces écarts?

John Ruffalo, PDG d’OMERS Ventures, la filiale de capital-risque du Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario et l’un des principaux fonds de pension au Canada, a récemment déclaré : « Je crois que la communauté technologique sait à quel point le Canada est un foyer technologique. Mais le grand public au Canada ne comprend pas vraiment à quel point nos gens ou nos ressources sont incroyables ici. En cette période de mondialisation et de compétitivité extrême, la technologie constitue l’une des industries clés sur lesquelles nous devrons nous concentrer pour assurer notre prospérité, et de nombreux autres pays dans le monde ont conclu exactement la même chose. La [pression] pour que nous soyons encore meilleurs que nos concurrents n’a jamais été aussi forte ».

Selon une étude réalisée l’an dernier par le Center for Digital and Economic Performance (DEEP), « la sous-performance continue du Canada en matière de création d’entreprises à forte croissance et l’activité transactionnelle limitée au sein de sa communauté de jeunes entreprises témoignent de réelles faiblesses dans l’écosystème de soutien entrepreneurial ». Deux raisons majeures peuvent expliquer cette performance médiocre. D’abord, bien que les écosystèmes de jeunes entreprises canadiennes bénéficient d’un accès aux marchés américains, cette proximité constitue également une arme à double tranchant. Environ 350 000 entrepreneurs et cadres canadiens attirés par l’occasion dans la Silicon Valley créent une pénurie de gestionnaires et de cadres expérimentés pour aider les entreprises à se développer au Canada. Le premier ministre Justin Trudeau a évoqué cette tendance lors du lancement du pôle de jeunes entreprises OneEleven en avril, déclarant que la lutte contre l’« exode des cerveaux » actuel est aussi importante que l’attrait des capitaux assurant la croissance des jeunes entreprises. Ensuite, bien que les réseaux de soutien à l’entrepreneuriat se développent, la plupart des jeunes entreprises canadiennes n’utilisent pas les ressources que le gouvernement met à leur disposition. En dépit du fait que plus de 140 organisations d’aide au démarrage (comme les incubateurs d’entreprises, les accélérateurs et les pôles) opèrent dans le pays, des entreprises à forte croissance comme Shopify et Hootsuite n’ont pas participé aux programmes canadiens. Tandis que Shopify et Hootsuite ont fait leur apparition avant la prolifération des pôles locaux de jeunes entreprises, DEEP recommande que les entreprises au fort potentiel de croissance bénéficient de programmes de soutien spécialisés qui encouragent les jeunes entreprises canadiennes à apprendre et à croître sur les marchés internationaux.

 

Regard vers l’Asie

À l’heure actuelle, tandis que 99 % des entreprises canadiennes sont des MPME, seulement 12 % d’entre elles se livrent à des activités d’exportation et seulement 1 % de ces exportations sont destinées à l’Asie. Près d’un tiers des entreprises « licornes » dans le monde sont situées en Asie, dont 37 en Chine, 8 en Inde et quelques-unes en Corée du Sud, à Singapour et au Japon. Non seulement concentrés dans les économies asiatiques à forte croissance, les écosystèmes se développent rapidement dans des villes comme Hô Chi Minh-Ville, Manille et Karachi, comme en témoigne le nombre croissant d’incubateurs et d’accélérateurs. Les petites entreprises représentent 97 % de toutes les entreprises dans les économies de l’APEC, et 66 % des personnes dans la région de l’ANASE considèrent l’entrepreneuriat comme un choix de carrière positif (dépassant la moyenne mondiale de 62,5 %). Des taux d’utilisation d’Internet plus élevés, associés à l’amélioration des environnements commerciaux, à des avantages fiscaux importants, à de sérieux obstacles à l’investissement et à un soutien centré sur les jeunes entreprises offert par les gouvernements locaux font des pays d’Asie des emplacements prometteurs pour lancer de jeunes entreprises. Qui plus est, l’augmentation des dépenses d’une classe moyenne en plein essor stimule la consommation d’une nouvelle manière. Selon le Brookings Institute, 88 % du prochain milliard de personnes entrant dans la classe moyenne mondiale vivra en Asie.

Mis à part ces grands changements, les tendances plus modestes observées sur la dynamique scène des jeunes entreprises en Asie ont propulsé son développement, faisant des écosystèmes locaux un endroit idéal à explorer pour les petites entreprises canadiennes. D’abord, des pays comme le Vietnam connaissent un phénomène d’« exode inverse des cerveaux ». Des entrepreneurs talentueux d’origine vietnamienne quittent des centres technologiques comme la Silicon Valley pour démarrer et développer leurs entreprises au Vietnam, comme les fondateurs de Klout.inc et Chopp.vn. Attirés par la perspective de créer un impact dans des environnements à forte croissance, ces entrepreneurs profitent des occasions uniques qu’offrent les marchés asiatiques.

Ensuite, la possibilité de créer des produits réactifs qui ciblent les problèmes quotidiens constitue l’un des grands attraits du travail dans de jeunes entreprises asiatiques. Par exemple, aux Philippines, la population croissante de travailleurs étrangers qui envoient de l’argent chez eux a conduit à l’essor des applications de technologie financière (fintech) qui offrent une variété de nouveaux services à faible coût comme les versements, les transferts et les prêts, services qui étaient autrement dispendieux et dominé par quelques groupes. De même, de nombreuses entreprises sont basées sur des méthodes et des concepts commerciaux qui ont fait leurs preuves dans les pays développés et qui ont été adaptés pour tenir compte des conditions locales, comme « Careem », l’Uber du Pakistan.

Enfin, des partenariats public-privé uniques se forment pour créer des réseaux de soutien qui comblent les lacunes et abordent les défis socioéconomiques des entrepreneurs. Au Vietnam, la Women’s Initiative for Startups and Entrepreneurship (WISE) a été créée dans le cadre du mandat d’innovation du Département de la technologie de Hô Chi Minh-Ville, en collaboration avec la Banque asiatique de développement. WISE offre une plateforme pour les femmes travaillant dans de jeunes entreprises pour les aider à surmonter les obstacles sexospécifiques en matière d’entrepreneuriat par le biais du mentorat, de la collecte de fonds et de la revendication.

 

Profiter de cette période d’effervescence

Recenser les occasions présentes dans les écosystèmes asiatiques en plein essor nécessite de sérieux échanges entre les jeunes entreprises canadiennes et asiatiques. Actuellement, les principales incursions se font par la Chine et l’Inde. Néanmoins, il existe des écosystèmes actifs au sein d’autres économies asiatiques et il pourrait y avoir une possibilité de négocier l’accès canadien en leur sein. Ryerson Futures, un programme d’accélération qui travaille avec de jeunes entreprises basées à Toronto, élargit l’idée de se tourner uniquement vers l’Asie comme une source d’investissement et met plutôt l’accent sur des espaces de collaboration et de croissance dans de nouveaux marchés. Par exemple, en collaboration avec le gouvernement de l’Ontario, le programme Gateway 91 prévoit de financer l’entrée, sur le marché indien, de 5 jeunes entreprises de technologie financière canadiennes. En plus d’avoir un point d’ancrage à Mumbai, les entreprises sélectionnées seront encadrées par des experts locaux de l’industrie et auront la possibilité de collaborer avec des entrepreneurs et des entreprises aux valeurs communes. « Nous avons été agréablement surpris par la volonté des entreprises indiennes de s’engager avec les premières sociétés technologiques, a déclaré Matt Saunders, président de Ryerson Futures. Nous exploitons désormais trois accélérateurs d’entreprise en Inde et fournissons nos services de conseil en embauche et innovation à des entreprises comme Visa, Thomson Reuters, ICICI Lombard, etc. ». Des modèles similaires existent en Chine, comme le Shanghai Technology Innovation Center, géré en collaboration avec MaRS Discovery District. Même sans affiliation institutionnelle canadienne formelle, les incubateurs et accélérateurs populaires en Chine, comme HAX à Shenzhen, attirent les entreprises canadiennes qui cherchent à pénétrer le marché chinois.

 

Non seulement les jeunes entreprises bénéficieront de ce type de collaboration, mais les programmes canadiens de développement entrepreneurial comme Ryerson Futures pourront devenir des leaders dans le maintien de liens innovants avec l’Asie. Une injection d’énergie et de créativité assurera sans conteste l’essor de la scène des jeunes entreprises au Canada. Nous devons assurément saisir les occasions qui nous mèneront en Asie.

The views expressed here are those of the author, and do not necessarily represent the views of the Asia Pacific Foundation of Canada.

Vilupti Christina Lok Barrineau
Vilupti Christina Lok Barrineau

Vilupti Christina Lok Barrineau is Vice-President, Operations at the Asia Pacific Foundation of Canada, and a former Director responsible for the Foundation’s work on MSMEs. She is an international expert on the topic and has worked worldwide with global organizations such as the United Nations and the Bill and Melinda Gates Foundation.

Amar Nijhawan
Amar Nijhawan

Amar is a Post-Graduate Research Fellow with the Asia Pacific Foundation of Canada, and a graduate of the London School of Economic's Gender Institute.